Avez-vous appris à faire du vélo ? J’imagine que oui. Souvenez-vous des principes d’apprentissage : regarder au loin -surtout pas la tête dans le guidon- pédaler, pédaler, pédaler. Vous l’avez compris, c’est dans le mouvement que l’on trouve l’équilibre et la progression.
Une alyah c’est un peu comme un tour en vélo ou une course à vélo pour ceux qui aiment les challenges. Plus vous allez pédaler en trouvant le bon rythme, plus vous allez regarder au loin votre cap, votre destination, plus vous serez en équilibre et vous donnerez les moyens d’atteindre votre objectif.

Force est de constater que dans le processus de la alyah, beaucoup trop de gens se tétanisent, se paralysent et s’immobilisent. Immobilisation qui conduit à la stagnation, stagnation qui mène tout droit à la roue à rat.

Je vois régulièrement ce phénomène se produire lorsque le olé est confronté au monde du travail en Israël ou même à l’apprentissage de l’hébreu. Je fais chaque jour la constatation de deux syndromes qui touchent un nombre important d’olims (nouveaux immigrants).

Les syndromes sont les suivants : le syndrome de la tête dans le guidon et le syndrome de la stagnation.

Le syndrome de la tête dans le guidon :
Le syndrome de la tête dans le guidon c’est lorsqu’on veut quelque chose mais qu’on le perd de vue, parce que l’on se laisse happer par le tourbillon de la vie qui va plus vite que nous. C’est lorsque tout s’embrouille dans notre tête, que l’on n’y voit plus clair et que l’on ne sait plus quoi faire. Quelle décision prendre et surtout comment la prendre ? On est perdu. On n’arrive plus à prendre du recul. On ne voit plus la route. On pédale à s’en épuiser mais nous sommes sur un chemin qui ne mène nulle part, puisque la tête dans le guidon, nous ne voyons déjà plus la route. Nous croyons avancer alors que nous faisons du sur place. On maintient tout juste l’équilibre par la peur de tomber, mais on sait au fond de nous que lorsque l’on arrêtera de pédaler notre chute sera douloureuse. Alors on continue et on continue, comme dans une vraie roue à rat. On consomme toute notre énergie, le peu d’énergie qui nous reste, mais nos efforts sont improductifs. Dans les faits, comment cela se matérialise pour un olé en Israël ?

Je vous donne un exemple de situation. Je veux travailler et bien gagner ma vie. C’est mon cap. Mais je ne peux pas briguer le poste de travail qui me plait. Je ne sais pas parler l’hébreu ou pas assez bien, je ne connais pas les règles de ce système, j’ai peur de ne pas m’y sentir bien, j’ai peur d’être ridiculisé ou rejeté, j’ai peur de ne pas pouvoir m’y adapter. Il y a trop de contraintes qui font que je risque d’échouer. J’abandonne. Je ne postule pas ce poste. Je reste prudent. Je reste entre francophones, c’est bien plus rassurant. Personne ne me jugera, personne ne dira que je ne suis pas à la hauteur parce que je n’aurai pas à faire de nouvelles choses, comme parler ou écrire en hébreu. Prendre le risque de faire des fautes d’orthographe ou bien ne pas me faire comprendre. Quelle honte de chercher ses mots, de répéter ses phrases pour mieux se faire comprendre. Alors, je choisis un bon petit job en français. Un call center fera l’affaire. Juste histoire de démarrer. De pouvoir payer à manger et assurer mes factures. Je reste dans ce type de job un mois, deux mois, six mois, un an, deux ans, dix ans.

Ça y est je me suis fait une place en Israël, bien à l’ombre, dans une magnifique petite roue à rat. Je pédale tous les jours, sans jamais m’arrêter. Je m’y épuise physiquement, mentalement et spirituellement. Je termine mes semaines à bout de souffle et pour me convaincre que je suis sur la bonne route, je me mens à moi-même … Je me dis que j’ai été actif et que je ne suis pas fainéant, que je fais ce qu’il faut pour payer mes factures et nourrir ma famille. J’en oublie mon cap consciemment ou inconsciemment, j’en oublie mon rêve d’alyah. Je suis prisonnier de la roue à rat du olé ! Je m’éteins à petit feu. Je suis comme une cocotte-minute qui à tout moment peut imploser ou exploser…

Comment ne pas tomber dans le piège de la roue à rat ?

En prenant du recul. Pensez toujours à vous élever. De plus haut, on lit mieux la carte. Observez-vous de dehors et ayez le courage de vous auto critiquer. Est-ce que je cours sur place ou est-ce que j’avance millimètre après millimètre ? Si vous avez le sentiment que le millimètre par jour n’est pas atteint, il est urgent de réviser votre tactique. Vous n’êtes pas dans la bonne direction.

En cessant d’avoir peur. La peur empêche d’avancer. Augmenter votre confiance en vous fera diminuer vos peurs. Aucune de vos peurs n’est réellement justifiée. La peur vous prive de tenter. Lancez-vous. En Israël, plus que n’importe où ailleurs, c’est l’endroit où tout est possible. Si vous vous lancez, vous vous donnez les moyens de réussir. Si vous ne vous lancez pas, vous avez déjà échoué.

Lâchez-vous !

Le syndrome de la stagnation :

De façon pernicieuse nous pouvons tous être atteint de ce syndrome. Celui de la stagnation. En général, cela arrive lorsque l’on commence à perdre de vue notre cap. La destination, le but ultime que nous nous sommes fixés. Il arrive parfois que le découragement nous conduise aussi à cet état de latence. Nous avons l’impression que quoi que l’on fasse, rien n’y fait, on reste sur place. Aucune progression n’est constatée et cela nous conduit à un état de démotivation, parfois de déprime voire même de dépression. Ce moment de découragement où l’on se dit que l’on n’y arrivera pas. Ces grands moments de solitude où l’on pense que l’on s’est trompé et que tous les briseurs de rêves avaient raison. Ce projet n’est pas pour nous. C’est trop dur, ce n’est pas assez réaliste.

Il faut donc à tout prix, pour ne pas tomber dans cet état de stagnation, rester vigilant quant aux actions que nous posons au quotidien. Si nous avons défini notre cap, tel de vrais marins, il ne faut pas se décourager. A aucun moment. Chacune de nos actions, toute minime soit-elle, doit systématiquement l’être dans le prolongement du cap que nous nous sommes fixés. C’est l’ensemble de chacune de nos actions quotidiennes qui nous fera avancer, inéluctablement vers notre cap. N’ayez peur ni du vent ni de la houle. Il faut parfois traverser certains orages et parfois même certaines tempêtes, mais derrière les nuages se cache toujours le soleil. Seul celui qui saura tenir son cap avec patience et persévérance pourra voir se profiler à l’horizon, le rivage. Peu importe le temps que cela devra vous prendre. Ne sous estimez pas votre pouvoir d’accomplir vos rêves. Restez concentré et déterminé. N’écoutez pas les gens qui pourraient vous démotiver. Si vous savez pourquoi votre alyah fait sens à vos yeux, alors vous y arriverez. Le prix de la réussite est largement moins douloureux qui le prix de l’échec. Celui qui y croit, celui qui est exigeant avec lui-même, celui qui ne fait pas de concession et s’engage dans son projet à 200 pour cent est obligé d’y arriver.

Sandrine DRAY